Dans le courrier que je reçois, il y a une invitation à participer à un Colloque sur le retour à la terre. Quel beau sujet ! A l'heure de l'urbanisation folle, à l'heure de la deshumanisation insensée, je crois qu'il est temps d'alerter nos concitoyens sur les vraies valeurs, celles qui sont éprouvées par le temps, celles qui fondent une vie sur des bases solides - oserais-je le mot ? Sur des racines solides.
Quoi ? On laisserait, sans réagir, nos campagnes devenir des déserts ? Et on laisserait nos agriculteurs se suicider ? Et on laisserait nos villages se dépeupler, se vider, se désespérer ?
Petit retour en arrière. La terre, j'y suis née. Dans la bonne terre de Normandie, chaude, rurale, rustique, accueillante. Mes parents y avaient une maison de maître, devenue avant le débarquement le quartier général des officiers de l'Armée allemande. Pendant que les quatre domestiques et le palefrenier se terraient dans l'abri, Mme la Chatelaine (c'est ainsi qu'on l'appelait) s'occupait des bêtes, en plein bombardements, trayant les vaches elle-même, bravant tous les dangers - et même les officiers, qui ignoraient qu'elle comprenait l'Allemand. Il fallait nourrir les animaux. J'ai encore le tableau du poulailler de la résidence secondaire familiale en Normandie (ou tertiaire, car mes parents avaient aussi une maison dans les Landes, choisie par la revue Réalités comme la plus emblématique de la région). Et ce tableau montre les poules en liberté, heureuses de vivre - et un poulailler sur pilotis, plus grand que mon logement, car aujourd'hui tout est petit, tout est mesuré, tout est mesquin.
Inutile de dire que je suis scandalisée par le sort qui est réservé aux bêtes, aujourd'hui. Privées de liberté, d'espace, d'herbe, de lumière, entassées comme du bétail que l'on conduit à l'abattoir. Le traitement que nous infligeons aux animaux est révélateur: Notre sociétée est malade. Barbare. Elle va droit dans le mur ! Car elle ne respecte plus rien, que l'argent, conduisant les individus à se battre les uns contre les autres. Vous avez dit compétition - modernité ?
Wikipedia - aujourd'hui ... et hier (poulailler sur pilotis, http://poules.landaises.free.fr/elevage.htm)
Née en Normandie, en pleine terre, avec une mère prenant soin des animaux, et au milieu d'eux, comment ne pas être imprégnée des vraies valeurs ? Comme Tarah, dans Autant en emporte le Vent: "La terre, la terre ! Il n'y a que cela qui compte !" Et de surcroît, je suis Capricorne. La terre, encore. Je rêvais d'épouser un pêcheur - car j'ai la passion de la mer, de la voile - ou un agriculteur - car je suis imprégnée de la terre, façonnée par elle. Et des vraies valeurs, celles qui défient le temps, et que des hommes comme Sarkozy piétinent allègrement, ne respectant que l'argent, affamés qu'ils sont de pouvoir, de lucre et de renommée ...
Alors, ne vous étonnez pas si je suis pétrie par la terre, comme un chêne jaillissant du sol, solide, défendant les vraies valeurs, la vie simple, les choses simples, au contact de la nature, des bêtes, des gens simples, prônant un retour à la terre... Il y a quelques années, lorsque j'accueillais chez moi les coeurs brisés, les malmenés par la vie, clochards, sortants de prison, prostituées, jeunes à la dérive, Compagnons d'Emmaüs en rupture, drogués..., je leur conseillais de s'installer à la campagne, de sortir de leurs cités ou du béton, pour redécouvrir les pierres, l'herbe, un rythme de vie naturel, les bêtes, les odeurs de la campagne, le goût de la vie, tout simplement...
wikipedia
Et ne vous étonnez pas si j'aime tant les Amerindiens, choyant par-dessus tout la terre, respectueux de tout ce qui vit, attachés aux vraies valeurs, à l'authenticité, à la sincérité, au partage.... Et ne vous étonnez pas si je suis une amoureuse de la vie, et de tout ce qui vit, et si je malheureuse quand on piétine la terre, le terrien, quand on inocule du poison au sol ou à l'eau, quand on rend impropres à la culture les terres en les bombardant, quand on méprise l'humain, quand on marchandise le vivant, et même quand on vend la terre, qui appartient à tous, finalement - y a-t-on pensé ?
Où sont nos villages d'antan, nos petits lopins de terre qu'on cultivait avec amour, qui nous nourrissaient tous, où sont les grandes maisons où toutes les générations se mêlaient, s'entraidaient, s'entrelacaient, où sont les petits commerces si charmants, nos herboristes, nos merceries, nos ferronniers, les repriseuses de chaussettes, le rempailleur, l'affûteur de couteaux, le garde-champêtre, le remplaceur de vitres cassées, et tous nos marchands-ambulants - et par-dessus tous nos agriculteurs, heureux de cultiver la terre, assurés d'en vivre...
Où sont nos bals-musettes, nos anciens discutant sur le pas de la porte, nos rues fleuries, nos bons feux de cheminée, nos fêtes champêtres, nos braconniers, même... où sont-ils ? Les enfants montaient dans les cerisiers, ils jouaient à la marelle et à la balle aux prisonniers, ou aux gendarmes et aux voleurs, ils pouvaient se battre sans que la Maréchaussée ne soit alertée, et quand ils n'étaient pas sages, la maîtresse leur tapait sur les doigts...
http://www.westimpact.com/Solet-Tsiganes-1.JPG
Ne vous étonnez pas si je regarde avec envie passer les roulottes, pardon, les caravanes, des Gitans, des nomades, eux qui vivent ensemble, autour d'un feu, n'ayant que le ciel pour toit et la terre qui appartient à ceux qui s'y allongent, eux qui ne sont pas attachés à l'argent, qui ne savent même pas compter, et qui ne font jamais de guerre... Allez-les voir comme je l'ai toujours fait: Ils partageront le peu qu'ils ont, et ils sortiront leurs guitares et leurs tambourins !
Ne vous étonnez pas si en Amazonie ou dans les longhouses de Bornéo, en pleine jungle, j'ai partagé avec délices la vie simple de ceux qui font corps avec la terre, l'eau, l'air, se baissant pour cueillir les fruits, se redressant pour chasser, n'ayant nul besoin d'argent ou de commerces, vivant en osmose avec la nature, une nature si généreuse qu'elle fournit tout ce dont l'individu a besoin, même les plantes pour soigner ou les peaux de bêtes pour se vêtir... Peuples premiers... Et nous, que sommes-nous ? Peuples derniers, vraiment derniers ? Et si nous cessions de courir après le travail, les heures supplémentaires, l'argent, les rencontres virtuelles... et si nous partagions la terre, et si nous la cultivions en toute simplicité, et si nous nous rendions service entre voisins, et si nous échangions nos connaissances, et si nous nous accueillions tous, sans chercher à savoir si nous sommes blancs, jaunes ou noirs, chrétiens, juifs ou musulmans, handicapés ou gâtés par la vie.... et si on redécouvrait le goût des choses toutes simples, le plaisir d'une tartine de confiture, la joie des farandoles, le bonheur de la vie au grand air, le bonheur du partage, le bonheur du réel vraiment réel ?
Et si nous disions non au virtuel, et si nous refusions toutes les peurs qu'on veut nous insuffler pour mieux nous asservir, et si nous retrouvions nos âmes d'enfants pour nous émerveiller, pour ré-enchanter le monde ? Et si nous refusions tous les jeux frelatés auxquels on nous demande de participer ?
http://legardechampetre.over-blog.com/
Et si, et si, et si...
Demain est un autre jour, et il peut être beau si nous le voyons beau, si nous le faisons beau, nous, tous ensemble !
Laissons les jongleurs de chiffres, de dollars, de crises, de pandémies, de guerres, ne nous occupons plus d'eux, rions d'eux, et puis retournons à la terre, cultivons-la, et la fraternité, et la simplicité de vie, alors oui, tout deviendra beau, car lorsqu'on sait regarder, le monde est si beau, si généreux, il nous suffit de cueillir à pleines mains, le bonheur est à notre portée ! Mais sortons des villes, sortons de la compétition, sortons de l'accumulation, sortons du frelaté, sortons de l'égoïsme, sortons de toutes les modernités qu'on veut nous imposer et qui ne sont que régression, seulement cela... la vie nous tend les bras ! Sans "eux", sans leurs fausses valeurs, sans leurs chaînes, sans leurs bourbiers...
Chiche ! On retrouve la vraie vie ?
Chantal Dupille